Pourquoi l’histoire
Le monde dont nous avons hérité
L’étude de l’histoire élargit notre conscience individuelle de l’expérience de vie à l’échelle de l’humanité entière, à toutes les époques.
En vérité, les nombreuses questions que nous posons au sujet de nos vies et de nous-mêmes trouvent une nouvelle acuité et profondeur quand nous les retournons vers nos ancêtres : comment les gens du passé ont-ils vécu, et dans quelles conditions ? Quelles étaient leurs perspectives, leurs espoirs et leurs attentes dans la vie ? Quelles croyances avaient-ils à l’égard de leur place dans le monde ? Et quels furent leurs « travaux et jours » – qu’ont-ils fait – des gestes les plus ordinaires de la vie quotidienne, aux plus grandes (ou plus terribles) réalisations qui ont résisté à l’épreuve du temps ?
Pour l’essentiel, notre curiosité à l’égard de nos ancêtres – quand nous lui faisons honneur – débouche sur des questions fondamentales : pourquoi les humains ont-ils développé la culture, la technologie, la religion, et des structures sociales, et comment ces développements ont-ils pris forme pendant le cours de l’histoire ?
Aller-retour entre le court-terme et la longue durée
En revanche, l’effacement de la conscience historique qui est le propre de notre époque nous rend souvent amnésiques, ou hypermnésiques – souffrant de trop peu, ou de trop plein de mémoire – où notre capacité à trouver un sens au temps qui passe est rudement mise à l’épreuve.
L’étude de l’histoire met ainsi à notre portée l’ampleur du développement humain à travers le temps et l’espace. Attentifs aux leçons de l’histoire, nous pouvons dès lors appréhender nos problèmes contemporains sous l’angle de longue durée. De cette façon, l’histoire se présente comme un correctif à la vie moderne, qui a virtualisé le temps sous les impératifs de « l’éternel présent » – ce temps rendu étroit par les cycles de l’actualité médiatique ou de la politique électorale, la fréquentation quotidienne des médias sociaux ou des divertissements de masse, l’éternel retour de la journée de travail ou du temps de vacances, le temps mort du chômage ou de la retraite, ou encore : le temps rêvé de notre salut technologique – à notre portée dès demain ! – annoncé par nos ardents futurologues.
Une humanité, plusieurs histoires
Dans notre cas, nous affirmons que l’étude de l’histoire s’inscrit aussi dans la tradition des lettres, ou « humanités ». Nous appelons humanités ces antiques modes d’investigation de la condition humaine par le truchement des lettres – germées en antiquité gréco-romaine, développées dans « l’obscurité » du Moyen Âge et formalisées au moment de la Renaissance – portant aujourd’hui le nom de littérature, philosophie, et histoire.
De cette manière notre conception de l’histoire est marquée du sceau de l’occidentalité : celle d’une lente et progressive « laïcisation » du temps, et centrée sur le sujet prenant conscience de sa condition dans un moment historique donné. Et si cette vision du temps historique portait jadis en elle un projet eurocentrique de conquête « civilisatrice », nous chercherons plutôt, en opposition critique à ce vieux temps unique, à construire le temps historique dans une perspective à la fois universaliste et plurielle – celle de l’humanité habitant des mondes, avec leurs multiples temporalités et conceptions du temps vécu.
Enfin, nous proposons, avec notre projet de partager les plus récentes trouvailles en recherche, en pédagogie et en savoirs critiques, afin de contribuer au nouvel essor des humanités en éducation, et dans la vie publique. Dans notre conception du savoir, les humanités demeurent essentielles pour l’apprentissage de la citoyenneté. Car ce savoir permet, avant tout, de penser notre monde dans toute sa complexité, et de nous placer en filiation avec celles et ceux qui l’ont façonné afin de mieux forger nos destinées individuelles et collectives, dans un monde encore à faire.