Et Colbert créa l’économie nationale

Avant l’économie moderne, il y avait le doux commerce.

En vrai, le doux commerce c’était plutôt la guerre par d’autres moyens: la bourse, l’industrie, l’échange. La contrebande généralisée, même. Et la Marine pour faire débloquer le tout, quand commercer contre son voisin tournait au vinaigre.

Il est à moi, ce sucre!

Il est à moi, ce sucre!

Il y eut, en effet, de longs et ennuyeux siècles durant lesquels l’activité économique de ce bas-monde s’épanouit dans le giron de l’État. Seulement, au XVIIe siècle ce giron, jadis circonspect, commençait à prendre de l’ampleur. Car tout État se voulant moderne – tel un Roi pubère sis entre longs siècles chrétiens et bouleversements révolutionnaires – s’affairait à faire rayonner son règne at home aussi bien qu’au loin, jusque dans les fins fonds du Nouveau Monde.

Doux commerce royal. Donc, pas tout à fait précurseur du monde moderne. Mais presque!

Pour mettre les pendules à l’heure moderne ultra, certains hardis théoriciens du commerce mondial au XVIIIe siècle inventèrent un vocabulaire pour rendre compte du rôle de l’État dans « l’économie » – ce nouvel objet du savoir issu des Lumières. Seulement, en commentant un fait accompli on négligea d’examiner la pensée des commis d’État qui fondèrent l’ordre économique de l’Ancien Régime. On leur imputa certaines visions et volontés qui ne furent pas les leurs. Survint donc un certain décalage dans la terminologie savante pour décrire cette période charnière de la part des physiocrates (économistes), qui assignèrent au doux commerce une autonomie dépassant – enfin! – le cadre des États.

Mercantilisme. Colbertisme. Bullionisme. Vieux mots pour un vieux monde, disent toujours les économistes aujourd’hui.

Pourtant, les liens outre-atlantiques perdurent malgré l’effacement du temps, et les aléas des empires. Nous nous sommes « mondialisés » à l’intérieur des sphères d’influence des vieux royaumes, avant les révolutions modernes. Ainsi, ces vieux royaumes apparaissent toujours sur nos devises monétaires, par la créance qui anime la symbolique républicaine ou néo-monarchique des doux billets verts, rouges ou bleus.

Usons donc de nos vieux concepts pour évoquer ce temps fort que fut celui de l’expansion coloniale. Car si le navire de l’Ancien Régime a sombré, nous sommes toujours rayonnants parmi ses épaves.

 

Vieille et Nouvelle France

Colbert, c'est le type en noir debout, à côté du roi en rouge assis. ;)

Colbert, c’est le type en noir debout, à côté du roi en rouge assis.

Pour ce survol des rapports économiques entre métropole et colonie à l’époque de la Nouvelle France, nous tenterons d’esquisser le cadre de ces rapports connus sous le nom de “mercantilisme”.

À cet effet, plusieurs embûches se posent sur notre chemin, que nous classerons dans deux grandes catégories. La première catégorie concerne la validité des concepts employés pour décrire l’activité économique de l’époque, en particulier les politiques économiques des grandes puissances, et les idées qui les animaient. La deuxième concerne la spécificité française du “mercantilisme” à l’époque de Louis XIV, connu sous le nom du “colbertisme”, et son rapport ambivalent avec les étiquettes intellectuelles qui lui furent assignées post facto.

Cela dit, bien que ces expressions soient problématiques pour l’étude de notre objet, nous continuerons à les employer ultérieurement de manière qualifiée, car nous considérons que l’analyse des politiques du ministre Colbert dans leur ensemble demeure une activité de premier plan dans l’étude des colonies françaises au XVIIe et XVIIIe siècle.

 

Le mercantilisme

Tous pays confondus, quelles sont les caractéristiques du mercantilisme qui sont le plus souvent citées dans la littérature que nous avons recensée ? Les commentateurs ont tendance à identifier le mercantilisme au “pilotage” de l’activité économique par l’État proto-moderne – ou du moins par une configuration, spécifique à chaque pays, d’acteurs économiques étatiques et privés imbus d’une vision “top-down” de la politique économique.[i] Citons Paul Harsin pour donner une forme générale au phénomène qui nous intéresse :

“ [Le mercantilisme est] dans l’ordre économique un phénomène analogue au nationalisme dans l’ordre politique. C’est l’aspect économique de la physionomie générale que revêt l’État pendant l’époque moderne. Aussi le phénomène n’est-il aucunement propre à un certain État : il est européen. […] À vrai dire, le mercantilisme n’est pas de l’économie politique : c’est de la politique économique. […] Le mercantilisme est le nom assez vague sous lequel on a désigné après coup un ensemble mal défini de tendances ou de pratique propres à la politique économique des grands États modernes.”[ii]

Nous reviendrons sur le flou conceptuel qui entoure la notion de mercantilisme. Pour cerner notre objet historique, identifions en premier lieu les grandes tendances que mentionne Harsin dans son introduction, telles qu’elles se sont exprimées par les politiques de Jean-Baptiste Colbert durant le règne de Louis XIV.

Première remarque : si d’emblée l’on accepte le point de vue sous lequel s’exprime le grand Ministre – celui de l’État français – le mercantilisme peut, de façon sommaire, se faire connaître par les politiques que mène le ministre pour accroître la puissance de l’État dans la sphère économique. Ces politiques sont conduites sous les trois grands axes suivants : les politiques monétaires, les politiques productivistes, et les politiques commerciales.

 

Un jeu à somme nulle

Avant d’examiner de plus près l’expression de ces politiques, cherchons ce qui les anime. Dans cette mesure, nous verrons pourquoi le colbertisme revient souvent dans la littérature historienne et économiste, comme cas de figure du “mercantilisme” dans son acception courante. Nombreux sont les commentateurs qui ont affirmé que Colbert était un homme d’action, et non d’idées. Fût-il le cas, toujours est-il que Colbert était animé par un idéal, auquel il se voua corps et âme pendant tout son “règne” : la puissance et la gloire du royaume de France, et de son “patron” le roi Louis XIV.

Mercantilismus for dummies :)

Mercantilismus for dummies 🙂

L’article de synthèse sur le colbertisme de Cornelius Jaenen[iii] nous livre les ressorts essentiels des politiques de Colbert, et sa vision du monde, au moment de l’absolutisme triomphant de Louis XIV. Jaenen assigne aux politiques du ministre deux grands piliers, sur lesquelles celles-ci doivent s’appuyer pour faire œuvre. Le premier pilier concerne le problème de l’unification du royaume, processus enclenché en France vers la fin du Moyen-Âge, et connu aujourd’hui sous l’appellation courante de la “formation des États modernes”[iv]. Le deuxième pilier concerne la relation entre le royaume de France avec les autres puissances[v]. Sur ce point essentiel, Jaenen nous fait comprendre que Colbert est tributaire d’une vision du monde où la richesse serait un phénomène plus ou moins statique[vi]. Dans un monde où les ressources et richesses sont considérées finies et connues, Colbert mettra en œuvre des politiques économiques sur un principe du jeu à somme nulle. Ainsi, le principe de croissance économique comme source de richesse cher aux libéraux sera fondamentalement absent chez lui. Ce qu’un pays gagne en puissance, l’autre le perd[vii]. La source de cette idée provient, selon Jaenen, d’une conception de la richesse qui se fonde sur l’accumulation de métaux précieux[viii] – accumulation certes, non pas dans les mains de marchands-capitalistes “à l’anglaise”[ix], mais dans les coffres de l’État.

La bataille de Scheveningen, 10 août 1653 par Jan Abrahamsz Beerstraaten, dessiné c. 1654, représente la bataille finale de la première guerre anglo-hollandaise. Source: wikipédia

La bataille de Scheveningen, 10 août 1653 par Jan Abrahamsz Beerstraaten, dessiné c. 1654, représente la bataille finale de la première guerre anglo-hollandaise. Source: wikipédia

De cette vision statique, une conséquence importante : l’action politique est à somme nulle, visant à faire gagner pour soi ce qui est retiré de la sphère d’autrui. Une appréciation “géostratégique” et belliciste de la richesse animera donc la pensée de Colbert, et sera à la source de ses politiques de développement économique, d’uniformisation de l’administration et des marchés nationaux, et de protectionnisme.

Sur ce point, les “pratiquants” ou les détracteurs de mercantilisme semblent être d’accord : au centre des préoccupations de l’État “mercantile” nous retrouvons, inlassablement, une volonté de guerre d’argent entre puissances. Portant le nom de “bullionisme”[x], cette “doctrine”, accotée à la vision du monde déjà mentionnée ci-haut, exige le développement d’une pratique commerciale accrue au profit de chaque royaume concerné, et dans le cas du colbertisme des contrôles stricts sur la circulation du numéraire au niveau du commerce international. Ce que Harsin nomme la “croyance chrysohédonique”[xi] animera la notion de richesse chez Colbert, et guidera ses politiques, qu’elles soient “dirigistes” – contrôles des douanes, pilotage de l’industrie et “qualité française”, création des compagnies coloniales, etc. – ou “libérales” – uniformisation des poids et mesures, surveillance des dépenses royales, réorganisation des régions frontalières et de la fiscalité dans le royaume, abolition des rentes, etc.

 

La raison d’État de Colbert

Dans la portion dite “nationale” de ce grand cadre bullioniste, Colbert formulera-t-il sa politique fiscale avec un “souci d’équité” ? Pour le budget de l’État, une maxime simple et austère : “Il faut réduire les dépenses au niveau des recettes, sinon… c’est l’abîme au bout des déficits.” Pour les finances publiques, il est vrai que Colbert fut un incessant bourdon dans l’oreille du roi concernant ses dépenses extravagantes[xii]. Mais le roi su faire plier l’échine de son ministre préféré à l’occasion de chaque nouvelle guerre.

Les enjeux complexes de la fiscalité, pour leur part, soulèvent plus de questions que de réponses. S’il est avéré que Colbert tenta de soulager le fardeau d’imposition chez certaines classes de contribuables[xiii], il nous semble devoir restituer chaque élément de ses réformes fiscales dans le mouvement plus général d’uniformisation du royaume. À cet effet, Paul Harsin rappelle la volonté de puissance qui guidera toutes les réformes de Colbert : “La seule limite que rencontre l’État en matière d’impositions, c’est la capacité du contribuable à supporter l’impôt.”[xiv] Et rappelons que les réformes de Colbert étaient au service d’une certaine vision, il me semble assez déniaisée, du crédit public : “Le crédit est la bonne opinion que l’on a des finances de Votre Majesté”[xv].

1200px-Protection_du_commerce_mg_8457Dans ce système concurrentiel à somme nulle, on comprend l’importance du rôle du commerce international et des colonies – la fameuse “balance commerciale” qui fixe les grands axes de la circulation monétaire entre production domestique, commerce extérieur et conflits entre puissances. Pour Colbert, le commerce sert à maintenir et conserver l’argent dans le royaume et à faire revenir celui qui en sort. Mais comment faut-il caractériser le lien commerce-colonisation dans cette évolution de l’État français ? Et comment doit-on distinguer le rapport métropole-colonie à la française dans la sphère atlantique, du même rapport vécu entre l’Angleterre et ses colonies ?

 

Naissance du « colbertisme »

Dans son article sur le financement des efforts coloniaux français, Pierre Boulle[xvi] note l’évolution des rapports entre acteurs privés – les compagnies marchandes portuaires – et pouvoirs publics, dans les partenariats qui fondèrent les compagnies coloniales, de l’avant-Richelieu à l’après-Colbert. Selon Boulle, Colbert serait en quelque sorte l’héritier de Richelieu et de sa vision de puissance de l’État, dont les traits principaux seraient une volonté d’imposer un ordre sur le territoire national et ses satellites, et d’accorder une certaine liberté des acteurs économiques, dans un cadre proto-nationaliste.

C'est peut-être pas en France, mais au moins ça fait un peu d'atmosphère.

C’est peut-être pas en France, mais au moins ça fait un peu d’atmosphère.

Boulle note que les monopoles établis sous Richelieu eurent pour effet de découpler les coûts des profits, où l’État assuma les coûts, et les individus (officiers coloniaux) empochèrent les profits[xvii]. La Couronne accordait traditionnellement les monopoles commerciaux aux marchands qui assumaient le risque des opérations, et des investissements.

Colbert inversa la formule : sous sa direction, l’État assuma les capitaux de risque propres au grand commerce et à la colonisation pour attirer des investisseurs privés et les motiver à l’autosuffisance.[xviii] Cependant, en peu de temps, les deux grandes compagnies initiées par la Couronne connurent des déboires qui les firent opérer à perte, ce qui occasionna leur éventuelle liquidation, au profit d’acteurs privés. Après Colbert, le système Law transforma l’entreprise coloniale en dette l’État[xix]: le visage de la finance avait définitivement changé.

À l’égard du colbertisme, Boulle soulève la problématique suivante: “How could private enterprise, if it was stifled by Colbertist practices, in the eighteenth century manage to develop to the point where it was able to challenge successfully the state itself?[xx] En effet, la réputation “absolutiste” du colbertisme a-t-elle posé obstacle à l’étude du rapport entre acteurs publics et privés dans les grandes compagnies coloniales? La réponse à ces questions selon nous, se trouve dans une nouvelle appréciation du rapport entre le Capital public et privé à l’intérieur d’un cadre réputé dirigiste, avant la financiarisation de la dette publique avec le système Law.

Blason de la compagnie des Indes, créée par Colbert.

Blason de la compagnie des Indes, créée par Colbert.

Comme nous l’avons vu, le colbertisme s’inscrit, dans les affaires coloniales, dans une continuité des rapports entre pouvoirs publics et classe marchande. Si les grandes compagnies coloniales sous Colbert “nationalisèrent” les colonies sous l’autorité de la Couronne, le rapprochement entre classes marchandes et élites coloniales aura pour effet paradoxal de “privatiser” les richesses de l’État – de préserver l’accumulation du capital dans un circuit fermé.

Cette nouvelle alliance entre officiers coloniaux qui “administrent” le capital privé du commerce et les marchands, déboucha sur des compagnies coloniales plus spécialisées.[xxi] La fragmentation des deux grandes compagnies coloniales créées par Colbert en multiples centres de profit officieusement “pilotés” par l’État explique, selon nous, la nouvelle donne du commerce colonial français au XVIIIe siècle, qui sera marqué par des rapports difficiles entre élites coloniales et supérieurs hiérarchiques en métropole.

Cette appréciation du partage d’intérêts entre acteurs privés et publics dans le contexte colonial nous semble un moment tout indiqué pour effectuer un retour sur la notion du mercantilisme. Pourquoi employer un concept réputé anachronique pour rendre compte de la politique économique du ministre Colbert ? J.F Bosher, pour sa part note les différences essentielles entre les politiques commerciales et coloniales françaises et anglaises[xxii], qui, dans une simple étude comparative, rendrait caduque l’étiquette “mercantilisme”. En effet, comme le notent Bosher[xxiii] et Deyon[xxiv], le terme mercantiliste a été forgé par des auteurs libéraux, héritiers des physiocrates et critiques à l’égard des politiques économiques des grandes puissances de l’époque. L’essentiel de leur critique, de Quesnay jusqu’à Smith est lié à un changement d’êpistemê – les physiocrates concevaient l’économie comme un système autonome, obéissant aux lois de la nature, et l’individu intéressé – l’acteur privé “rationnel” – était désormais au cœur des rouages de l’économie marchande et productive[xxv].

 

Une politique de puissance et d’autosuffisance

Que l’on puisse accorder quelque utilité au concept du mercantilisme, ce sera donc dans la mesure où celui-ci sera dépouillé de son aspect péjoratif et anhistorique. Nous pouvons toutefois suggérer que le conglomérat de caractéristiques identifiées au mercantilisme que l’on retrouve chez les spécialistes de la question[xxvi], semble suggérer fortement une évolution des politiques économiques des grands États vers une “sphère autonome”, c’est à dire un niveau d’abstraction inconnu chez les penseurs de l’économie dans les âges précédents, chez qui “la politique économique” deviendra, après Smith, l’économie politique.

En guise de conclusion, malgré que le concept du mercantilisme s’avère peu opérant pour décrire une “école de pensée” ou un phénomène historico-économique d’ordre général, nous retenons son acception historienne pour désigner l’ensemble de pratiques “dirigistes” et “libérales” des grands acteurs étatiques, et de leurs partenaires privés. Si nous rejetons la conceptualisation anachronique des économistes héritée des physiocrates, nous accordons une validité à l’étude des rapports complexes entre acteurs publics et privés sous l’appellation “mercantilisme”, dans le cadre précis du jeu des puissances durant l’épopée coloniale.

Pour l’instant, nous assignerons au concept “mercantilisme” des visées ou tendances générales, suivant les deux grands principes de la puissance – les politiques bullionistes et la “guerre économique” (cadre du commerce et de la colonisation) – et l’autosuffisance – les politiques industrielles et le protectionnisme. Dans ce cadre simplifié, il nous semble que toute l’action du ministre Colbert se profile à dessein.

 

 

Notes

[i] Certains économistes contemporains – notamment les théoriciens néo-libéraux – ont confondu l’aspect “dirigiste” du mercantilisme, de manière erronée, à une préfiguration du socialisme moderne. Si l’on s’en tient à des critères purement “économistes”, il faudrait plutôt voir dans le mercantilisme un système “mixte” (comme on dit depuis Keynes). Le chapitre 2 du livre de Magnusson fournit une introduction du débat entre économistes sur le mercantilisme, des origines jusqu’à aujourd’hui. Voir Chapitre 2, “Debates on mercantilism”, dans Magnusson, Lars., Mercantilism: The Shaping of an Economic Language. Londres, Routledge, 1994.

[ii] Harsin, Paul, Les doctrines monétaires et financières en France du XVe au XVIIIe siècle, Paris : Alcan, 1928, p. 11-12.

[iii] Jaenen, Cornelius J., « Le Colbertisme », Revue d’Histoire de l’Amérique française, vol 18 (1) (1964), pp.64-84.

[iv] Jaenen, Cornelius J., op cit., p. 64.

[v] Jaenen, Cornelius J., op. cit., p.64.

[vi] Jaenen, Cornelius J., op. cit., p. 65.

[vii] “Le premier principe de ce mercantilisme se rattacha à la notion d’une économie statique. On croit fermement qu’on ne peut augments la fortune de l’état qu’en même temps l’on ôte la même quantité d’argent aux États voisins. Principe d’antagonisme qui voulait que ce que l’un gagnait l’autre le perdit.” Jaenen, Cornelius J., op. cit., pp.65.

[viii] Jaenen, Cornelius J., op. cit., pp.65.

[ix] Bosher distingue le mercantilisme anglais et français dans la différence entre la structure des deux états, et le rôle prépondérant des marchands au parlement anglais. Selon lui, le ‘mercantilisme’ français et anglais ne sont pas de même nature. Chez les Français, le mercantilisme serait un phénomène lié au pouvoir étatique centralisateur. Chez les Anglais, le mercantilisme serait un phénomène lié au monopole du processus politique par les marchands. “The French venal office-holding class had no British equivalent, and the British members of Parliament had no French équivalent.” Bosher, John F. « What was ‘mercantilism’ in the age of New France? », dans Hubert Watelet et al., De France en Nouvelle-France, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994, p. 250-252.

[x] La richesse d’une nation se trouvant dans l’accumulation des métaux précieux “impérissables”, et non dans les indices de production et de consommation (ex. PIB, PNB), comme c’est le cas aujourd’hui.

[xi] Mémoire de 1664 et ailleurs dans la correspondance entre Colbert et le roi : “Je crois que l’on demeurera facilement d’accord de ce principe qu’il n’y a que l’abondance d’argent dans un Estat qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance. […] C’est dans l’abondance d’argent que consiste la puissance de l’état et la magnificence du roi, par toutes les dépenses que les grands revenus donnent occasion de faire. […] Autant augmentons-nous l’argent comptant et autant augmenterons-nous la puissance, la grandeur et l’abondance de l’État.” Harsin, Paul, op. cit., p. 85-86.

[xii] Colbert : “Les maximes des finances sont les suivantes : les revenus du roi consistent sans difficulté en une partie du bien et de l’argent comptant que les sujets amassent par leur travail, par les fruits qu’ils recueillent de la terre et celui que leur industrie leur procure.” Harsin, Paul, op. cit., Paris : Alcan, 1928, p. 87.

[xiii] Pour la fiscalité, Colbert cherche un juste “appropriation” des richesses, un impôt proportionnel à la fortune du contribuable : “Chacun en porte suivant sa force… Les commissaires, dans les provinces, doivent toujours avoir cette maxime fondamentale de bien connaître la force du vray de tous ceux qui sont sujets audits droits”. Une maxime reviendra souvent dans sa correspondance : “Rendre l’imposition égale dans la juste et véritable proportion de leur bien.” Donc un impôt levé “avec le moins de frais et d’incommodités possibles pour le contribuable”. Harsin, Paul, op. cit., p. 88.

[xiv] Selon Harsin, l’opiniâtreté activiste de Colbert serait en grande partie atténuée par “un véritable souci d’équité”. Harsin attribue à Colbert une vision modernisatrice, actualisées dans les réformes et la politique commerciale du grand ministre. Toujours est-il que Colbert “n’est jamais théoricien que par l’occasion”, trop absorbé dans son rôle et ses charges pour réfléchir sur les idées qui animent ses politiques, et celles de ces rivaux ou contemporains. Somme toute, “il est presque vain de vouloir rechercher chez lui les éléments cohérents d’une doctrine économique”, même si on lui a adoubé le colbertisme, cette soi-disante politique mercantile rigoriste, de manière posthume. Harsin, Paul, op. cit., Paris : Alcan, 1928, p. 88

[xv] Harsin, Paul, op. cit., p. 87.

[xvi] Boulle, Pierre H. « French Mercantilism, Commercial Companies, and Colonial Profitability », dans L. Blussé et F. Gaastra, dir., Companies and Trade, Leiden, University of Leiden Press, 1981, p. 97-117.

[xvii] Boulle, Pierre H., op. cit., p. 100-105.

[xviii] Boulle, Pierre H. op. cit., p. 106.

[xix] Boulle, Pierre H. op. cit., p. 110-115.

[xx] Boulle, Pierre H., op. cit., p. 100.

[xxi] Boulle, Pierre H., op. cit., p. 108.

[xxii] Voir note 6, plus haut.

[xxiii] Bosher, John F. « What was ‘mercantilism’ in the age of New France ? », dans Hubert Watelet et al., De France en Nouvelle-France, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994, p. 256-258.

[xxiv] “Le mercantilisme a été défini et baptisé par ses adversaires. Comment s’étonner qu’ils l’aient mal nommé ? “ “Aucun ministre ne s’est proclamé mercantiliste, mais aucun économiste non plus n’a eu le sentiment d’appartenir à une école, d’adhérer à une doctrine cohérente, définie par des maîtres et codifiée dans une bible. Le mercantilisme en tant que système de pensée et d’intervention a été défini par les libéraux de la fin du XVIIIe siècle, pour désigner et disqualifier ceux dont ils répudiaient les arguments et les pratiques.” Deyon, Pierre. Le mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969, p. 11, p. 47.

[xxv] À cet effet, à l’instar de Magnusson, on peut voir apparaître dans la pensée des “mercantilistes” contemporains aux physiocrates, un aspect précurseur à l’êpistemê libéral. Magnusson décèle certains grands thèmes dans la littérature de l’époque qui reviennent sans cesse – du moins chez les auteurs mercantilistes anglais : 1) Un débat/une discussion sur les grands principes qui sous-tendent la création et la distribution de la richesse. 2) Une appréciation “baconienne”, scientiste de l’activité économique, notamment avec l’invention de concepts liés au commerce international (“la balance commerciale”), fondé sur une notion abstraite d’équilibrage économique. 3) Une appréciation matérialiste de la société en général, ex. biens publics et bien privés. 4) Une vision “systémique” et mécaniste de l’économie, à titre de sphère d’activités autonome, avec des composantes en relation dynamique, qui forment un tout “social”. 5) Une première problématisation de futurs “lois” de l’économie, telles la loi de l’offre et de la demande, liées à un concept de progrès social. Bref, certains préceptes chers au libéralisme économique sont déjà présents chez des auteurs que les physiocrates opposèrent. Magnusson, Lars., op cit, p. 11-12.

[xxvi] Bosher offre une synthèse des ouvrages monographies qui se sont démarqués dans l’historiographie, basé sur le système Heckscher: Les cinq(+) piliers du mercantilisme, selon Heckscher: 1) Un système unificateur; 2) Un système de pouvoir; 3) Un système de protection ‘national-colonial’; 4) Un système monétaire (bullioniste); 5) Une conception de la société ‘mercantiliste’; 6) Sixième pilier, selon la professeur Heaton: la finance publique (royale); 7) Selon Prof. Charles Wilson: une politique de protection sociale pour soulager la pauvreté et le chômage (mercantilisme social). Sans avoir étudié la question dans tous ses détails et ramifications, nous préférons à ces propos “systémiques” une définition simple du mercantilisme à titre d’idéologie : un “nationalisme économique” chez les États proto-modernes. Bosher, John F. op. cit, p. 255-256.

Bibliographie

Harsin, Paul, Les doctrines monétaires et financières en France du XVe au XVIIIe siècle, Paris : Alcan, 1928, p. 89-263.

Cole, Charles Woolsey, Colbert and a century of French mercantilism, New York: Columbia University Press, 2 t., 1939.

Jaenen, Cornelius J. « Le Colbertisme », Revue d’Histoire de l’Amérique française, vol 18 (1) (1964), pp.64-84.

Deyon, Pierre. Le mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969.

Boulle, Pierre H. « French Mercantilism, Commercial Companies, and Colonial Profitability », dans L. Blussé et F. Gaastra, dir., Companies and Trade, Leiden, University of Leiden Press, 1981, p. 97-117.

Bosher, John F. « What was ‘mercantilism’ in the age of New France ? », dans Hubert Watelet et al., De France en Nouvelle-France, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994, p. 247-263.

Magnusson, Lars., Mercantilism: The Shaping of an Economic Language, Londres, Routledge, 1994.

Richardt, Aimé., Colbert et le colbertisme, Paris : Tallandier, 1997.

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